Le Balletomane qui n’aimait pas avoir peur

Le Balletomane anonyme aurait dû s’en douter dès la fin du mois de septembre : la présidente y avait vu de l’onirisme, mais le Cendrillon de Maguy Marin  (au TCE du 27 au 29 septembre) tenait plutôt du cauchemar avec des poupées qui font peur. Et il n’aimait pas avoir peur.

Mois d’Halloween ou pas, les fantômes, sorcières et citrouilles ne passeraient pas par lui.

En se levant le matin, il avait écouté d’une oreille distraite l’annonce de spectacles autour de gens morts : About Kazuo Ohnon  de Takao Kawaguchi (le 2 octobre à l’Espace Cardin),  Dans les pas de Noureev (le 17 octobre au Théâtre du Capitole), Winterreise de Christian Spuck (le 13 octobre à Zürich) – il paraît qu’il avait été écrit un an avant la mort de Schubert ou les multiples hommages à Robbins (à New York  le 11 octobre et à Paris à partir du 27 octobre) – un petit Fancy Free n’a jamais tué personne.

Même l’annonce de Mamootot  d’Ohad Naharin le 10 octobre à Chaillot n’avait pas attiré son attention, et pourtant on ne parlait plus des mammouths depuis un certain temps.

Alors qu’il prenait son thé À l’Opéra brûlant, la sonnerie retentit. Il enfila ses chaussons Winnie et se dirigea vers la porte. Personne. Il baissa les yeux… À ses pieds était posé un crâne (Mayerling au Royal Ballet le 8 octobre). Les lumières du couloir se mirent à clignoter, et le Balletomane sursauta quand il entendit une voix fantômatique dire « De quoi sommes-nous faits…? De quoi sommes nous faits…?  » (Andréya Ouamba, le 10 octobre au Théâtre des Abbesses). Il en renversa son thé sur ses chaussons.

Au loin, il entendait un étrange raclement, comme si un misérable se traînait par terre péniblement (Le fils prodige  de Balanchine avec quelques Robbins à New York le 10 octobre). L’ambiance commençait sérieusement à se gâter pour le pauvre Balletomane apeuré.

Il claqua la porte d’un coup sec pour se précipiter sous sa couette, mais il se pris les chaussons dans le tapis, et s’étala de tout son long. Un peu sonné, sa vision se brouillait. Des ombres blanches  volaient autour de lui (Programme Shades of White le 13 octobre à Stuttgart, avec des bouts de Bayadère). Elles criaient « Manon  va mourir ! » (L’histoire de Manon de MacMillan le 16 octobre à Milan), « Marguerite aussi ! » (La dame aux camélias de Neumeier le 13 octobre à Amsterdam).

C’en était trop pour le pauvre Balletomane. Il entendait des « clac clac clac clac clac clac clac » qui se rapprochaient, il se demandait ce qui allait encore lui arriver…

Et puis… OLÉ ! C’était le Bureau des BA, tous en espagnols vêtus. « Tu es tout blanc… C’est dommage, tu ne vas pas pouvoir aller voir Don Quichotte à Rome le 15 octobre… ».

« J’ai vu des fantômes, c’était trop horrible, quelqu’un m’en veut, je… ». Le Balletomane s’arrêta d’un coup : au fond de la pièce, il voyait le vice-président et le responsable de la communication ranger le crâne en riant.

Non, ils n’auraient pas osé…

Moralité : le Bureau des BA aime préparer des mauvais coups. Ami Balletomane, méfie toi,  la murder party approche…