Le Balletomane qui revenait de son introspection en Ecosse

« YOOO !!! » (d’Emmanuel Gat, le 13 mars à Chaillot)

Le cri tonitruant du Balletomane Anonyme, qui défonça littéralement les portes (Blow the bloody doors off ! de Catherine Diverrès, le 13 mars à Chaillot) western de mon salon, alla jusqu’à faire sursauter Les deux pigeons (Spectacle de l’Ecole de danse, le 29 mars à Garnier) qui bronzaient tranquillement sur le rebord de la fenêtre.

Il continua dans son élan en sautant sur le lit, au passage bien trop grand pour un appartement parisien (Queen size de Mandeep Raikhy, le 28 mars à l’Espace Pierre Cardin).

– Fini la dépression ! J’ai examiné mes problèmes sous 27 perspectives (Twenty seven perspectives de Maud le Pladec, le 28 mars à Chaillot). Ce que tu vois (de Gaëlle Bourges, le 20 mars au Théâtre des Abbesses), c’est le nouveau Balletomane anonyme. Fini la dépression, je reviens de mon introspection en Ecosse (La Sylphide de Bournonville, le 1er mars à Berlin). Je l’ai traversée D’est en ouest (de Josette Baïz, le 14 mars à la MAC de Créteil). Pour être honnête, c’est un voyage que je ne te recommande pas trop. Tu veux que je te raconte ?

– Peut-être (May B de Maguy Marin, le 27 mars à l’Espace Pierre Cardin) une autre fois ?

– Puisque tu insistes, je te raconte. Tout a commencé dans un bar à Edimbourg…

– Tu as commencé ton introspection dans un bar ?

– Bien sûr ! Je cherchais un guide. Personne ne se promène dans la forêt en Ecosse sans un bon guide ! J’ai rencontré un chasseur qui connaissait très bien le coin, je crois qu’il s’appelait Orion (Sylvia de Neumeier, le 1er mars à Helsinki). Il devait aussi partir en voyage pour retrouver une amie, m’a-t-il dit. Nous sommes donc partis à deux, mais au bout de deux jours, j’ai entendu comme la voix d’un fantôme dans la grotte où nous dormions. J’ai pris peur, et je suis parti en courant. Je courais tellement vite que je ne regardais pas où je mettais les pieds, et j’ai trébuché. Tu vas trouver ça bizarre, mais je t’assure que c’était sur une vieille chaussure (Cendrillon de Gregory Dean, le 9 mars à Copenhague).

-Dans la forêt ?!

-Mais oui ! Ensuite je me suis retrouvé nez à nez avec des oiseaux un peu louches qui se déplaçaient uniquement en ligne ou en triangle (Le Lac des cygnes de Van Dantzig à Amsterdam le 16 mars, et de Radhouane El Mebbeb le 27 mars à Chaillot). Ils avaient l’air de vouloir dire quelque chose, mais j’ai toujours été nul en pantomime. Je suis reparti de l’autre côté, et j’ai enfin trouvé un château où me réfugier. Tu ne vas pas me croire, mais à l’intérieur, tout le monde était couvert de poussière et dormait (La Belle au bois dormant de Helgi Tomasson, le 9 mars à San Francisco).  J’ai cru que j’étais devenu fou (Nijinski de Marco Goecke, le 9 mars à Zürich). Je me suis évanoui, et voilà.

-Comment ça « et voilà » ?  Comment es-tu revenu ?

-Ah ça… je ne sais pas. Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais de retour dans mon bar, et je suis revenu.

-C’est tout ? C’est pas un peu court comme introspection ?

-Mais pas du tout ! J’en ai profité pour me perfectionner en cornemuse ! Tiens, je vais te faire un petit blindtest. Ecoute un peu.

-…

-Alors ? Tu ne reconnais pas ? Hum, effectivement, c’est un peu difficile de rendre l’électro tendance à la cornemuse (Blake Work I de Forsythe, avec une création, le 7 mars à Boston). Je vais essayer autre chose.

-…

-Non plus ? Bon d’accord, Philipp Glass c’était peut-être un peu ambitieux (Nuit Philipp Glass avec des pièces de Mancini, Millepied, Bertaud et Robbins le 29 mars à Rome). Et là ?

-…

-Mais enfin, c’est Björk ! (Björk Ballet d’Arthur Pita, avec Four Dance Episodes de Justin Peck et une création de Liam Scarlett, le 29 mars à San Francisco). Je commence à douter de ta culture musicale. Allez, un petit dernier !

-Ne me dis pas que c’est du Bach ? (Les six concertos Brandebourgois d’Anna Teresa de Keersmaeker le 8 mars à Garnier)

-Mais si ! Je savais que j’avais un talent sur la cornemuse ! Et si j’ouvrais un cornemuse-bar ?

(crédit photo : Isabelle Aubert)