(Note préalable : après avoir renoncé à toute objectivité en 2017, nous renonçons à toute exhaustivité en 2018. Bonne lecture !)
« Pas question de retourner travailler en septembre ! », pensa le Balletomane en se retournant dans son lit. L’esprit encore embrumé, il se redressa, et contempla sa pile de dvd du Royal Ballet éparpillée sur sa couette. « Ce mois-ci, je vais faire le tour du monde des premières ! ».
Le Bureau répondit alors d’un seul homme : « On s’occupe de tout ! »
Fort d’un programme de voyage stratégique vaguement irréaliste et méprisant toutes règles de décalage horaire et de temps de trajet élaboré par la Secrétaire générale des BA, et d’un plan de financement à peine bancal proposé par la Trésorière et sa bonne fée Le Conseiller, le Balletomane dégaina sa carte bleue et fonça sur son ordinateur, prêt à réserver.
Première déconvenue : Giselle avait déjà commencé à Copenhague le 31 août ! Heureusement, la Présidente le rassura : « Le programme Martha Graham à Garnier ne commence le 3 septembre, tu as le temps de reprendre tes esprits. Mais pas trop longtemps, car tu pars directement à Boston pour réviser tes gammes de Robbins le 6 septembre avec Fancy Free, Interplay et Glass Pieces, ça te servira pour crâner en Octobre si tu as loupé les Étés de la danse. »
Parfaitement satisfait de son début de tour du monde, le Balletomane esquissait quelques pas de danse dans les allées de Harvard, quand un coup de téléphone le ramena brutalement à la réalité : LA PRÉSIDENTE ! « Vite, on est le 7, tu es en retard, la soirée Stijn Celis – Your passion is pure joy to me – et Sharon Eyal – Half life commence ce soir à Berlin ! Je t’ai déjà enregistré, tu n’as plus qu’à courir à l’aéroport ! »
« … »
« Et puisque tu es en Allemagne, tu n’as qu’à aller à Hambourg le 9 pour Bernstein Dance de Neumeier , et faire un crochet par Amsterdam, le Het danse une soirée Les nouveaux classiques le 11 ». « C’est quoi les nouveaux classiques ? ». « Robbins, Ratmansky et McGregor ». « Ah ? Je croyais que ce serait Benjamin Millepied ».
Avec tous ces trajets, le Balletomane commençait à avoir le tournis. Heureusement, son programme lui autorisait une escale de deux jours à Paris, pour La Gatomaquia o Israël Galvanise bailando para cuatro gatos au Cirque Romanès le 12, et Iromoyo Chotto, Karimame Kasane et Narukami à Chaillot le 13.
Tout juste le temps de respirer pour prendre le premier avion pour Barcelone et assister au Don Quichotte de José Martinez le 14 !
Et pour le 15, ce sera…?
« Je pensais que tu pourrais aller voir Giselle à Vienne », lui proposa le Vice-président. « Tu verras, Albrecht est un homme admirable injustement critiqué, et… ».
« Giselle c’est boring », le coupa la Présidente. « Va plutôt à Stockholm découvrir La Belle au bois dormant de Marcia Haydée ».
« La Belle au bois dormant, c’est trop long, retourne plutôt à Berlin pour le Lac des cygnes de Patrice Bart », acheva la Secrétaire générale.
« Débrouille-toi, mais je crois qu’il faudrait être à New York le 18 pour Joyaux de Balanchine, il paraît que c’est là qu’il est correctement dansé », termina l’Artiste.
Remis de ses émotions, le Balletomane regarda la suite de son programme. Il avait largement le temps de rejoindre Londres pour la représentation du programme « Lest we forget » de l’ENB le 20, avec du Scarlett, du Maliphant et du Khan dedans.
Encore Berlin ??? Certes, pour Onéguine, mais son choix fut vite fait : il se rapatria directement à Bordeaux pour assister à Blanche-Neige de Preljocaj le 21.
« C’est bien que tu sois revenu en France, cela te permettra de trouver rapidement un petit boulot pour financer la fin de ton tour du monde, j’ai légèrement sous-estimé le coût des billets d’avion », lui expliqua la Trésorière. « Tu veux pas faire community manager ? Je connais quelques théâtres qui ont besoin d’aide à ce niveau. »
« Génial », lui répondit le Balletomane. « J’espère que j’aurai quand même le temps d’aller voir Décadance de Ohad Naharin à Garnier le 25, la Secrétaire générale a insisté, il paraît que c’est à voir absolument. Dommage, j’aurai bien vu Singing Garden le même jour à Strasbourg. »
Son compte en banque renfloué, le Balletomane se rua à Helsinki le 27. Oui, à Helsinki. Parce que même si la Cendrillon de Maguy Marin à Lyon lui semblait prometteuse, que The Idiot de Teshigawara à Chaillot lui faisait de l’œil, il ne pouvait pas résister à la promesse de la soirée française, composée de Pneuma de Carolyn Carlson et de Suite en blanc de Serge Lifar.
De là, il ne fallait pas grand-chose pour rejoindre Copenhague le 28 pour la Carmen de Marcos Moraukowshka, avant de faire le dernier saut vers New York le 29 pour une soirée mêlant La Sylphide (Martins), Allegro Brillante (Balanchine), Easy (Peck) et Carousel (Wheeldon).
Juste après la représentation, le Balletomane fouilla dans son sac, inquiet. Son passeport avait disparu ! Il appela l’Artiste, désespéré.
« Je peux te dessiner un passeport si tu veux ! »
« Euh… je crains que ce ne soit pas tout à fait légal », rappela le Vice-Président, qui écoutait discrètement la conversation. « Va plutôt à l’Ambassade de France, mais ça risque d’être un peu long. J’espère que tu aimes Balanchine ! »